Soutiens directs aux Birmans

 

Compte rendu du 6e séjour en Birmanie

(17 décembre 2009 – 12 janvier 2010)

 

         Comme les années précédentes, les soutiens financiers concernent les lieux suivants, successivement :  

 1. Le delta de l’Irrawaddy, au sud de Pathein ;

 2. Le dispensaire de Si Kar, dans le District de Mandalay, à travers l’association « The Light of Asia » ;

 3. A Rangoun, la bourse d’études destinée à Nilar Aung, par l’intermédiaire de l’association écologique « Global Green Group » ;

 4. Dans une autre partie du delta, au sud de Rangoun, aide à une famille de pêcheurs par l’entremise de l’association « Women for the World ».

 

            Nous étions accompagnés au cours de ce séjour par notre amie Dominique Mandrilly, membre de MAP et parrainant Nilar Aung qui poursuit des études d’infirmière.

            Nous tenons à préciser que ces soutiens financiers ont été rendus possibles grâce à la contribution de nos amis et notre parenté à travers l’Europe, et même un peu au-delà (de France et Monaco, mais aussi d’Allemagne, de Grande-Bretagne, d’Irlande, Italie, de Pologne, Suède, Suisse, République tchèque, et aussi d’Australie et d’Alaska).

En outre, la contribution de notre association « Médecine, Aide et Présence » nous a permis d’apporter un soutien global nettement supérieur à celui de l’an passé.

 

1. Le delta de l'Irrawaddy

Si l’accès à cette région nous avait été strictement interdit au cours de notre précédent séjour en raison des dévastations subies par le passage du cyclone Nargis, nous avons pu cette fois-ci nous rendre sur les lieux d’activités du Père Benjamin Eihsu, non sans avoir subi les tracasseries administratives variées qui se déclenchent dès qu’un touriste s’éloigne un tant soit peu d’une zone considérée comme convenable pour des activités purement touristiques. C’est ainsi que si nous n’avons pas été remarqués lors de notre visite au Foyer d’étudiantes, à la périphérie de Pathein (capitale régionale située sur l’axe qui mène aux plages du Golfe du Bengale), la situation s’est corsée alors que nous nous trouvions dans la porcherie du pensionnat de Myaungmya. Benjamin avait pourtant signalé au commissariat de police notre présence dans la ville; pour rendre notre présence plus « justifiable » il avait même inventé le stratagème suivant: comme nous avions tous les trois un ancêtre commun, un grand oncle venu de France au début du siècle dernier fonder la mission catholique, nous étions quant à nous venus entreprendre un  pèlerinage familial !

Tout étranger étant par nature suspect aux yeux des autorités, des policiers ont donc été envoyés pour vérifier ce que nous faisions dans ce pensionnat ; ils n’ont toutefois pas poussé la curiosité jusqu’à vérifier dans la porcherie, discrétion oblige… A peine rentrés à l’hôtel qui nous avait été imposé par la police, et généralement fréquenté par des militaires, nous avons subitement reçu la visite angoissée de Benjamin : « Demain, pas question d’aller jusqu’à l’école de brousse. La police, ce n’est rien ; ce sont maintenant les services de renseignements militaires qui s’en mêlent. Votre cas s’aggrave. En ce qui me concerne, je n’aurais pas peur d’aller en prison si ce n’était que j’aurais alors les mains liées… Après le petit déjeuner, vous irez à la mission catholique, puis le chauffeur de taxi vous ramènera à Pathein au plus tôt ». Espoirs déçus…Mais pour Benjamin, c’était pire ! Aux tracasseries prévisibles dans ce pays voué à l’arbitraire, s’est ajoutée une note personnelle : il n’est pas question pour lui de manquer la messe de 6 heures du matin (à laquelle nous avions été conviés), car ce sont les obsèques de sa maman.

Le lendemain matin, alors que, par incompréhension, nous tentions vainement de nous faire servir un petit-déjeuner qui n’était pas prévu dans cet hôtel, la silhouette de Benjamin surgit, cette fois-ci triomphante : il venait d’obtenir pour nous la permission de nous rendre à l’école de brousse grâce à la bienveillance d’un cousin qui jouit de la considération des autorités militaires locales. Les trois étrangers bénéficieront ainsi d’un passe-droit, à charge pour le cousin de Benjamin de « renvoyer l’ascenseur » à son tour, le cas échéant… Le soir, alors que nous discutions dans notre chambre de l’hôtel de Pathein avec Benjamin, un coup de fil du commissariat de police l’appelle à l’accueil, histoire de s’assurer que nous sommes bien de retour à l’heure, que notre projet est toujours de partir pour la côte du Bengale à huit heures le lendemain matin. Les trois « touristes » reprendront donc le bon chemin : retrouvant leurs activités strictement touristiques, ils ne présenteront plus désormais de danger pour l’ordre public !

Soutiens financiers auprès de Benjamin

         C’est avec grande satisfaction que nous avons appris la prolongation du soutien aux activités agricoles de Benjamin par la branche locale de l’ONG  (basée à Milan) AVSI

« Associazione Voluntari per il Servizio Internazionale ». La Banque du riz, créée par Benjamin en 2003, se trouve ainsi considérablement renforcée grâce à l’implantation déjà assez ancienne à Rangoun de la branche birmane de l’ONG italienne.

 

            Quant à notre propre soutien, qui reste dans le domaine éducatif, il se présente ainsi :

 

1.           A Rangoun, prise en charge financière de cinq étudiantes pour des cours professionnels (informatique, comptabilité, gestion, anglais) à durée limitée (6 mois).


2.          Au Foyer Ste.Lucy, près de l’Université de Pathein, l’allocation pour 2009 a servi à l’acquisition d’un ordinateur, ainsi qu’à la fabrication de chaises et d’écritoires. Des toilettes ont été aménagées selon les règles d’hygiène ; puis le terrain a en premier lieu été nivelé (pour éviter la formation d’étendues d’eau stagnante propice à la propagation des moustiques après la saison des pluies) ; il a été par la suite entouré d’un mur de briques afin d’empêcher les jeunes gens de venir « s’infiltrer » inopportunément auprès des étudiantes.

Notre soutien pour 2010 porte sur neuf  bourses d’étudiantes, la fabrication d’une bibliothèque et l’acquisition de livres et revues scientifiques.

Enfin, une allocation sera attribuée à quarante-cinq étudiants par correspondance qui séjourneront au Foyer pendant les deux mois de la période d’examen afin de bénéficier des meilleures conditions de préparation.

 

3.           Le pensionnat de Myaungmya, qui compte quarante-sept élèves (dont les deux      petites-filles adoptives de Benjamin) est autosuffisant financièrement grâce à l’élevage et la vente de porcs, et accessoirement la culture d’un petit carré de bétel.

Notre allocation pour 2009 a été utilisée pour l’agrandissement du premier étage : construction de deux dortoirs, l’un pour les filles, l’autre pour les garçons, afin de parer à l’afflux d’enfants orphelins rescapés du cyclone de 2008.

« Les cadeaux de Noël sont arrivés cette année avec quelques jours d’avance, nous dit Benjamin, la mine toute réjouie, trois enfants (de 2, 4 et 6 ans) de la même famille, qui ont été unanimement acclamés par l’ensemble des enfants ».

Force est de constater qu’autosuffisance matérielle n’est pas synonyme de confort minimum. Lorsque nous avons vu tous ces gamins attablés devant leurs devoirs du soir, avec pour tout éclairage la lueur blafarde de deux maigres bougies, il nous a semblé justifié de faire installer deux panneaux solaires qui alimenteront par l’intermédiaire de batteries deux tubes de néon à basse consommation. Notons que le pensionnat est bien relié à l’électricité publique, mais comme il n’est pas situé dans un secteur prioritaire, il ne reçoit le courant électrique (comme d’ailleurs le reste des habitants de la ville de Myaungmya) que chaque nuit, de minuit à trois heures, période inconvenante pour les devoirs du soir…

 

4.           L’école de brousse de la Rivière du Manguier, à 7 km de Myaungmya, qui compte quarante-six élèves, avait été tellement endommagée par le cyclone Nargis que l’association AVSI a dû entreprendre de la reconstruire de fond en comble.

     L’intérieur se présente comme une immense salle dénudée. Notre apport pour cette année va permettre de dégager un espace de bibliothèque en aménageant des parois amovibles contre lesquelles seront fixées des affiches éducatives (sur la géographie, la zoologie, l’anatomie, etc.) et quelques étagères pour entreposer manuels et ouvrages de référence.

     Lorsque nous avons demandé à l’instituteur ce qui pouvait encore améliorer l’école, il a répondu sans hésiter : « de vraies toilettes ». Par chance, une adduction d’eau récente permet par pompage d’alimenter les maisons du haut la colline, à proximité de l’école. Il a donc été décidé de faire prolonger la canalisation d’eau jusqu’à l’école de façon à permettre le nettoyage quotidien des toilettes (la rareté de l’eau rendant une plus grande fréquence impossible), et la construction de trois réservoirs munis chacun d’un robinet pour le lavage des mains.

      Notons que grâce au travail de chacun, la brousse n’offre plus le spectacle de désolation qui la caractérisait pendant si longtemps après le cyclone. Les arbres abattus ont été débités et il ne subsiste plus que par-ci par-là des amoncellements de petits fagots de bois destinés à la vente à raison de 25 kyats l’un, soit 1,7 centimes d’euro (aucun gain, si petit soit-il, n’est négligeable!).

 

5.           Enfin une somme a été allouée aux micro-crédits pour les familles les plus            nécessiteuses (achat d’un porc ou de volaille pour la revente après élevage).

 

 

En raison de ses activités de plus en plus nombreuses, Benjamin a dû remiser sa pétrolette. Il se déplace de plus en plus dans sa camionnette non bâchée (qui lui avait été offerte dans les années 90 par les Missions Etrangères de Paris. Bien qu’elle accuse son âge et les mauvais traitements dus à l’état des routes, la camionnette lui rend toujours de bons et loyaux services : elle transporte indifféremment, suivant l’occasion : cochons, volaille, sacs de riz, matériel de construction, une dizaine d’adolescents ou une quinzaine d’enfants. Elle sert le cas échéant d’ambulance et même de corbillard, nous explique Benjamin. Mais il préfère prendre momentanément congé de nous par l’évocation quasi enchanteresse des enfants. Certes, chez Benjamin, foi chrétienne et sérénité asiatique se conjuguent pour lui permettre de traverser les épreuves, surmonter les déceptions et tenir le cap ; mais après être revenu de France à la suite d’un séjour de neuf ans, il a découvert une nouvelle dimension dans sa vie: « Quand je suis retourné en Birmanie, j’ai véritablement trouvé ma voie : ce sont les enfants qui me l’ont tracée, c’est pour eux que je vis, petits et grands. Je n’avais jamais connu une si grande joie ! »

2. Le dispensaire de Si Kar

Le « service d’accueil des commissaires du peuple » y était cette année réduit au minimum, ce qui nous rassurait plutôt. Les mines renfrognées et soupçonneuses, qui nous avaient un peu inquiétés l’an passé, avaient laissé la place à un large sourire de la part du seul représentant officiel du village. Le message était manifestement bien passé, de sorte qu’on pouvait lire sur le visage ouvert du commissaire la pensée suivante: « quelles que soient les motivations de ces étrangers, ils font une brève apparition annuelle, déposent du matériel médical et disparaissent jusqu’à l’année suivante ! »  Ici au moins, malgré la présence d’un aéroport militaire de l’autre côté de la fameuse Burma Road, notre courte présence ne semble pas avoir alerté les services de renseignements militaires. Il faut dire que nous étions bien encadrés, entre notre ami Kyaw Htin, vétérinaire et pivot de l’association « The Light of Asia », qui a désormais pignon sur rue grâce au fonctionnement du dispensaire (deux médecins et trois infirmières), le Dr Aung Sann, médecin chef de l’hôpital régional de Puin Oo Lwin (à 15 km), et surtout (question respectabilité), U Sein Didalu, le moine supérieur du monastère bouddhique (à 2 km du village).

         Suivant les recommandations du Dr Aung Sann, nous avions acquis l’an dernier un compresseur d’oxygène et un électrocardiographe ; cette fois-ci nous avons acheté un appareil à radiographier.

Les plaques de plomb nécessaires à l’utilisation des radiographies n’étant pas disponibles en Birmanie, le Dr Aung San a suggéré la construction d’un  petit bâtiment à l’arrière du dispensaire, sur un emplacement inhabité, pour une protection maximum. Cela entraînera l’agrandissement du terrain du dispensaire mais, « ce n’est rien, précise le docteur, un mot du moine supérieur, et tout devient possible ! »

Le dispensaire ne possédant qu’une vieille berline pour le transport des malades, il apparaît souhaitable d’acquérir une véritable ambulance équipée médicalement, ce qui, dans les cas extrêmes, pourrait sauver des vies.

D’autre part, un terrain a été acquis par l’association « The Light of Asia », à une cinquantaine de mètres du dispensaire, pour la construction d’un bâtiment destiné à un orphelinat qui aura pour vocation d’accueillir vingt-cinq fillettes, de trois à six ans, qui seront trouvées dans les rues de Mandalay et des agglomérations de la région. Le choix sera précis : seulement des enfants dont la condition d’orphelines sera formellement attestée et dont les capacités intellectuelles n’auront pas été trop atteintes par une trop longue présence dans la rue. Elles seront éduquées jusqu’à l’accomplissement des études secondaires et pourront même entreprendre des études supérieures si elles en ont les dispositions.

Vaste programme, qui semble dépasser les limites de ce que nous pouvons faire. Il faudrait penser se tourner vers des institutions susceptibles d’apporter leur soutien financier.

3. La bourse d’études à Nilar Aung

Comme cette étudiante qui se destine au métier d’infirmière en chef a poursuivi ses études avec sérieux et succès, il a été décidé de lui renouveler sa bourse d’études pour sa dernière année. Comme chaque fois, c’est au secrétaire de l’association écologique « Global Green Group », Naing Htway, que le montant de la bourse a été remis, cette année des mains mêmes de Dominique Mandrilly, qui parraine Nilar Aung depuis trois ans.

4. Aide à une famille de pêcheurs

L’association en faveur de l’émancipation des femmes, « Women for the World », animée principalement par Lisa Aung, secondée par une équipe jeune composée de trois femmes et trois hommes, est en pleine expansion car elle bénéficie de l’appui financier de quatre associations dont Energies.06 et Swiss Aid.

Depuis le passage du cyclone Nargis, l’équipe se rend aussi régulièrement dans une zone du delta juste au sud de Rangoun où Lisa a dénombré parmi les cinq villages (dont s’occupe l’association) vingt-cinq familles de pêcheurs encore dépourvues de barque qui puisse leur permettre de gagner à nouveau leur vie par la pêche. Comme l’an passé, nous avons décidé de faire construire une barque et deux rames qui seront livrées à une famille du village de Sein Kan Tar, dans le Canton de Kun Chan Kone.

 


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         Au terme de notre séjour en Birmanie, et juste avant le départ de Dominique, nous avons eu le plaisir de réunir Lisa, Benjamin et Kyaw Htin (ces deux derniers ne se connaissant pas encore) qui ont échangé leurs expériences respectives et se sont promis de s’entraider éventuellement puisqu’ils partagent un idéal commun. Laissons le dernier mot à Kyaw Htin, qui résume bien l’attitude de tous ceux et celles qui se refusent à voir leur pays sombrer dans le désespoir : « mon bras droit travaille pour ma famille et mon bras gauche pour mon peuple ».