Inde - rapport 2012

Rapport moral 2012-2013

        La région de Malkangiri, Orissa,  où est principalement concentrée notre action en Inde, étant interdite aux étrangers depuis l'an dernier à cause de l'enlèvement de deux touristes italiens en mars 2012, puis de fonctionnaires indiens, je savais que je ne pourrais pas m'y rendre, du moins officiellement, et y séjourner suffisamment pour mener à bien notre nouveau projet : la construction d'un préau.
        J'avais donc décidé de réduire ma mission à 5 semaines et de me consacrer essentiellement à l'enseignement et à la formation des institutrices dans l'école expérimentale créée par notre partenaire indien, l'Ong NYSASDRI.
        Cette école, située à Kashipur, à seulement trois heures de route de la capitale de  l'Orissa, Bhubaneswar, a ouvert en février 2010. L’enseignement y est dispensé en anglais, l'objectif étant la formation d’une élite composée d’enfants appartenant à différentes tribus ou à d' autres populations défavorisées, afin qu’ils aient bientôt leurs propres porte-parole  car, comme je le mentionnais dans mon rapport de l'an dernier, c’est sur le terreau de l’ignorance que les Naxalistes (Maoïstes) cultivent les germes de la rébellion. C'est la raison pour laquelle M.A.P. a décidé l'an dernier de parrainer trois fillettes, les parents étant mis à contribution pour le ramassage scolaire et certains frais de fonctionnement.... ce qui est rédhibitoire pour certains....
         J'étais un peu sceptique au départ car les enfants commencent en Maternelle; mais j'ai pu me rendre compte cette année  que les enfants qui sont maintenant en CP et CE1 ont une autre vivacité, une autre rapidité de compréhension que mes fillettes du même niveau à Tandapalli. C'est pourquoi nous avons décidé d'étendre notre parrainage à 5 fillettes pour l'année scolaire 2013-14.
        Coût : 180 € x 5 = 900 €
        Pour que les institutrices puissent continuer l'enseignement plus ludique mis en place, nous avons investi dans un lecteur de clé USB, des haut- parleurs et des clés sur lesquelles j'ai pu trans férer une bonne partie du contenu de mon ordinateur : chansons, jeux, exercices de prononciation..., ainsi que dans de la papeterie etc, pour réaliser des affiches éducatives. Coût: 87 €, auquel s'ajoute le matériel pédagogique acheté en France à partager entre l'ODM School de Kashipur et SEED Konyashram à Tandapalli, Malkangiri District. Coût : 64 €.

        Car malgré l'interdiction, j'avais confiance en ma bonne étoile et espérais bien pouvoir me rendre à Tandapalli, même brièvement. Sarang Samal, le directeur de l'ONG avait beau me dire que tout fonctionnait bien là-bas cette année, mais ayant été échaudée l'an dernier, j'avais besoin de le voir pour le croire et pouvoir en témoigner auprès de mes généreux donateurs et du bureau de M.A.P.. Il m'organisa donc, la deuxième semaine, une visite éclair en jeep avec deux gardes du corps capables de parlementer avec la police ou l'armée au cas où on serait contrôlé, ce qui par chance n'arriva pas ! Deux jours de voyage assez éprouvants, de par l'état des routes mais aussi en raison du stress de mes accompagnateurs qui craignaient que nous soyons pris en otage par les Maoïstes.

       Mais quelle merveille que d'arriver chez soi!!!  De retrouver tous ces sourires et un Campus très bien entretenu! Comme quoi nos coups de gueule, de Vincent et les miens, ont porté leurs fruits! Et comble du bonheur: 3 jeunes filles niveau BAC et BAC +2 pour enseigner et  résider sur le campus, et Anna, la prof de maths, à 2km. Nouveaux bananiers, champs de tomates, d'aubergines, cela faisait plaisir à voir.... à part que... il faut toujours que je râle...ces nouvelles cultures s'étendaient sur l'espace que nous avions  fait aplanir comme terrain de volley, de basket et tout autour de la fosse aménagée pour le saut en longueur et en hauteur!!!! Colère rentrée, explications demandées; cette fois j'avais avec moi 2 personnes se débrouillant correctement en anglais et j'appris que le terrain choisi l'an dernier était le meilleur pour l'agriculture, comme s'ils n'avaient pas pu me le dire avant!!! Difficile de savoir l'an dernier car tout était à l'abandon, mais il est vrai que la toute première année ce terrain était cultivé... J'ai donc capitulé, non sans avoir au préalable négocié un couloir au milieu du champ de tomates de manière à ce que les fillettes  puissent prendre leur élan pour continuer à sauter et on a  trouvé un autre lieu pour le terrain de volley ou badminton.
       Tout cela m'avait confortée dans mon idée de construction d'un grand préau. Un endroit bien à elles, sur lequel personne n’empiéterait.  Je les voyais déjà jouer, étudier, danser à  l'abri du soleil et surtout des pluies diluviennes. On a même choisi l'emplacement, pris des mesures, tracé le périmètre à la cendre, estimé le coût, etc.
       Et patatras! Dans la nuit 40 vaches ont franchi la clôture et se sont repues de tomates, aubergines, tendres feuilles de bananier et des épinards qui poussaient sur les pentes de nos jardins hydroponiques!!! Un vrai carnage!! C'était à en pleurer! Tout ce travail, du personnel mais aussi des enfants, parti en fumée ou plutôt dans la panse de ces ruminants! Et donc trois mois de légumes en moins pour améliorer la sempiternelle platée de riz !!!!
       J'ai donc changé mon fusil d'épaule et bien malgré moi en suis arrivée à la conclusion que le préau pouvait attendre et que construire un mur d'enceinte était devenu la priorité. La proposition ayant été approuvée par M.A.P : on a mesuré le périmètre : 350 mètres, on a demandé des devis, comparé les différents fournisseurs et estimé le coût à entre 6000 et 6500 €. Nous nous sommes engagés sur 6000 € à condition que le mur encercle en totalité le campus, de manière à ce que ni cochons, ni chèvres, ni chiens, ni vaches ne puissent y pénétrer. NYSASDRI a promis que l'ONG compléterait de sa poche si nécessaire. Nous sommes obligés de déléguer, par la force des choses mais il a été stipulé que nous enverrons les derniers 1000 € uniquement lorsque nous aurons les photos du mur terminé ! J'ai laissé 1000 € pour commencer les achats et notre Présidente,  Shirley, a transféré 4000 € directement sur le compte de SEED. Le mur devrait être achevé avant la fin avril 2013.
      Quatre jours  sur place, mais le personnel et moi-même n'avons pas chômé : Jogga a réussi à abaisser les trous dans l'urinoir, grâce à la mèche à céramique apportée de France, pour que les fluides s'écoulent entièrement et ne faussent plus nos calculs pour la dilution fertilisante nécessaire à la culture hydroponique. Jogga et Bipin ont creusé et mis à nu les tuyaux d'épandage, retiré et lavé les graviers qui étaient encrassés et remis le tout en place, et le filtre à sable s'est remis à fonctionner correctement.( Il faudra songer à transformer deux WC en douche avec évacuation vers la mare, pour éviter de saturer le système d'épuration....) Tout le monde a mis la main à la pâte pour préparer un repas de fête avec 15kg de poulet, légumes divers et variés ! Remise en état de deux bicyclettes. Commande de ceintures et de cravates pour redonner l'éclat d'antan à leurs uniformes ! 104 paires de tongs, une tenue complète pour Sunil, seul garçon et orphelin de l'école, des fournitures scolaires pour tous les enfants et la constitution d'une réserve pour la nouvelle année scolaire qui commence en avril, une bourse de 30 € par an pour permettre à Kolpana de continuer ses études en 6ème dans une école du gouvernement. Kolpana est la petite fille qui a été opérée l'an dernier d'un strabisme extrême, grâce à M.A.P. et qui est devenue une superbe jeune fille qui ne se cache plus ! En comptant le matériel acheté pour le campus : seaux en fer, carrelage pour protéger le mur derrière  l'évier, moustiquaires pour éviter que les feuilles ne tombent dans les WC, abonnement à un quotidien pour que ces jeunes professeurs ne se sentent pas trop coupées du monde, participation aux  frais d'essence pour cette tournée d'inspection de plus de 1600 km, nous arrivons à un total de 510 €.
       J'étais ravie de cette escapade car elle m'a permis de constater, de visu, que les 30 lits et 9 des 11 ventilateurs achetés l'an dernier avaient bien été livrés et installés. Les 2  derniers ne rentrant pas dans le véhicule attendent sagement un moyen d'être acheminés depuis Bhubaneswar. Les manuels scolaires étaient en nombre suffisant. Une bonne équipe pédagogique avait été formée, le campus était bien entretenu, à part peut-être les clôtures par endroits ; une adulte était volontaire pour superviser la culture hydroponique. Le seul bémol c'est qu'il n'y a toujours pas de directeur ni de directrice, un accord n'ayant pas abouti avec la jeune femme choisie l'an dernier.
      J'étais ravie aussi parce que j'ai pu leur apporter le lecteur de CD que nous avons eu en prime avec la vente des chocolats de Noël, ainsi que des jeux éducatifs récoltés par Shirley et d'autres achetés neufs ou d'occasion. La grande salle de classe, deux soirs de suite, est restée ouverte en soirée, on a formé des groupes autour de différents jeux et les rires fusaient de toute part, une fois qu'elles avaient compris les règles du jeu. Dur de dire qui des élèves ou des profs étaient les plus enragées ! Espérons que cela continue au moins une fois par semaine, car rien de tel pour dégourdir les neurones ou les réflexes dans la bonne humeur !
Vivement qu'elles aient leur préau pour avoir jeux et livres à leur disposition dans des armoires sous la responsabilité des plus grandes !

Edito : Maryel Dutrey (2013)